Fait N° 49

La Cilicie arménienne fut l’alliée des Mongols au 13ème siècle.

Le nom de Gengis Khan reste infâme dans toute l’Eurasie, paradigme du chef mongol, maraudeur, dont les hordes furent responsables de l’invasion et du pillage de vastes régions à l’époque médiévale. L’empire mongol commença à s’étendre à partir du début du 13ème siècle, dans toutes les directions, hors de l’Asie Centrale vers le Moyen-Orient, le Proche-Orient, la plus grande partie de la Russie et de la Chine actuelles, bordant l’Inde d’un côté et s’étendant vers les régions orientales de l’Europe de l’autre. Même si les incursions des Mongols s’accompagnèrent de pillages cruels au cours des cent cinquante années suivantes, l’immense zone sous leur domination connut aussi un grand développement du commerce et des échanges d’idées et des technologies d’alors.

Les territoires arméniens plus traditionnels tombèrent de même sous la coupe des Mongols et souffrirent de leur joug. Or, sur ce qui constitue aujourd’hui la côte sud-est de la Turquie, le royaume arménien de Cilicie prit l’initiative diplomatique de s’allier aux Mongols contre leurs menaces communes, à savoir les puissances arabes et turques de la région. Ce fut l’exemple improbable d’un royaume chrétien côtier, tendant la main à une force encore païenne, lointaine, accaparatrice de terres, pour faire face aux puissances musulmanes de la région – géopolitique s’il en est.

Héthoum Ier eut le règne le plus long parmi les rois de Cilicie arménienne, gouvernant de 1226 à 1270. Héthoum envoya son frère Sempad à la cour mongole à Karakorum en 1247 – plus de vingt ans avant les voyages légendaires de Marco Polo. Bien que Sempad revint en ayant épousé une princesse mongole, l’issue diplomatique resta minime. Héthoum entreprit alors en personne ce voyage en 1254, dissimulant son identité sur une partie de son itinéraire. Ces deux expéditions nécessitèrent plus d’un an à voyager à travers les terres depuis la côte méditerranéenne, contourner la mer Caspienne et traverser le cœur de l’Asie.

Le tout premier dirigeant européen à rencontrer les Mongols fut donc le roi Héthoum Ier de Cilicie arménienne. Même si, selon certains chroniqueurs, le khan des Mongols se serait converti au christianisme, aucune preuve ne vient étayer cette thèse. Néanmoins, suite à ces négociations, les institutions chrétiennes (églises et monastères) furent exemptées d’impôts sur le territoire mongol – une zone conséquente, dont de vastes parties étaient peuplées d’Arméniens, outre d’autres chrétiens. En échange, le royaume arménien de Cilicie (ainsi que deux autres régions arméniennes semi-indépendantes en Arménie historique) s’allia au pouvoir mongol dans de ses campagnes visant les territoires musulmans dans la région.

Les Arméniens combattirent sous la bannière des Mongols durant les années qui suivirent, comme lors de la prise d’Alep et de Damas vers 1260. Ce fut, en fait, l’apogée de l’expansion mongole; des opérations militaires conjointes se poursuivirent au cours des décennies suivantes, même lorsque la Cilicie arménienne fit face à de nombreux revers et que le khan des Mongols finit par se convertir à l’islam.

Traduction : © Georges Festa

Références et autres ressources

1. Seta B. Dadoyan. The Armenians in the Medieval Islamic World: Armenian Realpolitik in the Islamic World and Diverging ParadigmsCase of Cilicia Eleventh to Fourteenth Centuries. Transaction Publishers, 2013, pp. 181-183
2. Vahan M. Kurkjian. A History of Armenia. AGBU, 1958, pp. 242-244
3. Wikipedia: “Armenian Kingdom of Cilicia”
4. Wikipedia: “Mongol Empire”