Fait N° 89

Vahan Cardashian fut une armée à lui seul pour les Arméniens d’Amérique.

Une des marques de la démocratie dans la culture générale et politique, particulièrement en Arménie, réside dans la capacité réelle pour les individus et les groupes organisés à défendre leurs intérêts. Vahan Cardashian fut l’Arménien par excellence, dont la voix se fit entendre haut et fort à travers le paysage social et politique des Etats-Unis dans les années 1910 et 1920, dans l’espoir d’inciter une nation à se porter au secours d’une autre.

Né en 1883 à Gesaria (Caesarea; Kayseri dans la Turquie actuelle), Cardashian reçut une éducation américaine dans l’empire ottoman, puis, devenu jeune homme, émigra dans le Nouveau Monde en 1902. Il suivit avec succès des études de droit à Yale et ouvrit un cabinet d’avocat à New York. L’aptitude de Cardashian à plaider ne débuta pas en pointant du doigt les massacres et les déportations de 1915. Au contraire, il travailla tout d’abord pour le régime Jeune-Turc à l’ambassade ottomane sise aux Etats-Unis. Une tribune de lui, parue dans le New York Times en 1912, pour ne citer qu’un exemple, condamne les ambitions italiennes dans les territoires d’Afrique du Nord appartenant alors à Constantinople.

Tout cela changea, naturellement, dès que le mot de génocide arménien traversa l’Atlantique. Ayant perdu sa famille, Cardashian – dont les contacts sociaux et politiques étaient alors très larges et inclusifs – commença à informer secrètement des responsables américains sur les agissements de l’ambassade ottomane. Cardashian fut alors limogé (selon la rumeur, il jeta les décorations qu’il avait reçues de l’ambassadeur et échangea quelques aménités avec lui) et s’employa à influencer l’opinion publique aux Etats-Unis, afin de convaincre leurs dirigeants de venir en aide à l’Arménie.

Cardashian connut un certain succès. Le Comité Américain pour l’Indépendance de l’Arménie, qu’il mit sur pied, comptait de hautes personnalités, dont des politiciens, des diplomates, des universitaires et des responsables religieux. Une collecte de fonds, organisée au New York Plaza Hotel en 1919 – conjointement au Near East Relief – rassembla environ 400 invités de marque, allant d’Andrew Mellon et John Rockefeller à Francis Scott Fitzgerald et Rudolph Valentino.

La décennie qui suivit vit la disparition de l’éphémère république d’Arménie de 1918 et l’émergence d’une Turquie nouvelle, dirigée par Mustafa Kemal, avec le soutien de l’Occident, dont les Etats-Unis. Vahan Cardashian œuvra sans relâche pour entraver les relations croissantes entre Washington et Ankara, rédigeant lettre après lettre à ses soutiens, en demandant au Congrès d’agir. La politique américaine, lorsqu’il s’agit de réclamer un Etat arménien dans le cadre du traité de Sèvres et d’entraver la ratification de celui de Lausanne, fut influencée par ses efforts, ainsi que la reconnaissance officielle de l’éphémère république établie à Erevan. Ce furent néanmoins des victoires mineures, un seul individu ayant le soutien minime de la part d’une communauté arméno-américain alors naissante ne pouvant réussir à aller très loin. La réalité politique sur le terrain évolua et les tentatives de Cardashian furent finalement abandonnées. Il mourut, pauvre et tombé dans l’oubli, en 1934.

Les activités de Vahan Cardashian ont été depuis redécouvertes et son nom n’est plus inconnu dans le monde de la cause arméno-américaine. Il est considéré comme une « armée à lui seul » – un héritage remarquable qui a inspiré de nombreuses personnes et organisations dans la communauté arménienne aux Etats-Unis.

Traduction : © Georges Festa


Références et autres ressources

1. Michael Bobelian. Children of Armenia: A Forgotten Genocide and the Century-long Struggle for Justice. Simon & Schuster, 2012, pp. 41-44, 70-77
2. Vartkes Yeghiayan. Vahan Cardashian: Advocate Extraordinaire for the Armenian Cause. Center for Armenian Remembrance, 2008
3. “Understanding Vahan Cardashian’s Legacy”, Asbarez, November 28, 2008
4. “Land-Grabbing War, Says Turks’ Friend; Vahan Cardashian States Italy’s Claims and Replies to Each of Them”, The New York Times, May 30, 1912


Suivez-nous sur

100y100f_089_Cardashian

Titre de l'image

55 Liberty Street, where the law offices of Vahan Cardashian were located in the early 1910s; the Liberty Tower is currently a residential building


Source et attribution

By Beyond My Ken (Own work) [GFDL or CC-BY-SA-3.0-2.5-2.0-1.0], via Wikimedia Commons


Faits récents

… et que le peuple arménien continue de se souvenir et de demander justice.

Fait N° 100

... et que le peuple arménien continue de se souvenir et de...

… tandis que les minorités en Turquie sont souvent limitées dans leur expression par la politique de l’Etat…

Fait N° 99

... tandis que les minorités en Turquie sont souvent...

Des Arméniens continuent de vivre en Turquie…

Fait N° 98

Des Arméniens continuent de vivre en Turquie…

Le plus long téléphérique au monde a ouvert en Arménie en 2010.

Fait N° 97

Le plus long téléphérique au monde a ouvert en...