Fait N° 59
La vie et les aventures de Joseph Emïn, un Arménien, écrit en anglais par lui-même fut publié pour la première fois à Londres, en 1792.
Le siècle des Lumières des XVIIème et XVIIIème siècles en Europe de l’Ouest apporta les grandes idées qui devaient changer le cours de l’histoire du monde : la liberté, la démocratie, la laïcité, l’égalité. La propagation des appels à la révolution à travers les colonies américaines et la France résonna dans toute l’Europe au cours du siècle suivant et atteignit bientôt d’autres coins du monde.
L’un de ces coins fut l’Inde, qui fut rapidement envahie par les Britanniques. Mais les ports et les grands centres de commerce furent en même temps investis par un vaste réseau de marchands arméniens dont la plupart venaient de Perse. C’était le cas de la famille Emïn qui avait fui l’instabilité politique en Iran au début du XVIIIème siècle. Hovsep (ou Joseph en français) était né à Hamadan en 1726, mais s’était retrouvé à Calcutta (Kolkata aujourd’hui) vers l’âge de 18 ans, d’où il partit à Londres en 1751, s’opposant ainsi à son père commerçant, qui espérait que son fils continue l’affaire familiale.
La vie était dure en Angleterre, car Emïn n’y connaissait personne. Après quelques années de petits emplois, il réussit à se faire entourer de personnes influentes, telles qu’Edmunt Burke, un célèbre politicien et philosophe de l’époque, et le duc de Northumberland, un mécène grâce auquel Emïn reçut une formation pour l’Académie militaire royale de Woolwich. Il entreprit ensuite son service militaire sur le Continent.
Hovsep Emïn reprit la bannière hissée par Israël Ori une ou deux générations auparavant : il avait conçu des plans pour libérer l’Arménie du joug perse et ottoman (lire l’article sur Israel Ori). Comme avec Ori, les plans d’Emïn incluaient les Géorgiens, qui avaient réussi à retrouver leur indépendance sous le roi Héraclius II. Tout comme Ori, Emïn cherchait l’intervention russe. Le dernier point commun réside dans le fait que ni Israel Ori, ni Hovsep Emïn ne réussirent à réaliser leur grand projet. Cependant, on se souvient d’eux aujourd’hui comme de visionnaires, mais aussi de l’esprit qui les animait.
Il y avait une autre situation défavorable pour Emïn. L’Eglise arménienne était très réactionnaire à l’époque, avec le Catholicos d’Etchmiadzine, qui ordonna même de brûler les copies de l’ouvrage arméno-indien, Hordorak (« Exhortations »), qui appelait à repenser la politique et la société arméniennes en intégrant les idéaux des « Lumières ». Outre un clergé conservateur, lors de ses nombreux voyages entre 1759 et 1770, qui incluaient Etchmiadzine, Saint-Pétersbourg, et Tiflis (Tbilissi), Emïn devait faire face aux intrigues de la cour géorgienne, aux nobles arméniens du Karabagh et du Zangezour ainsi qu’aux marchands arméniens, une fois retourné en Inde, qui tous étaient peu disposés à aider financièrement.
Finalement, Hovsep Emïn retourna à Calcutta, où il passa le reste de ses jours. Il écrivit un long mémoire à la troisième personne, intitulé « La Vie et les Aventures de Joseph Emïn, un Arménien, écrits en anglais, par lui-même », qui fut publié à Londres en 1792, puis publié à nouveau avec des notes supplémentaires par un descendant à Calcutta en 1918 – l’année de la naissance de la première république moderne d’Arménie. Une traduction arménienne n’apparut qu’en 1958.
Emïn mourut à Calcutta en 1809. Sa tombe à l’église fut rénovée en 1975 pour marquer sa place d’aventurier dans l’histoire arménienne.
Références et autres ressources
1. Life and Adventures of Emin Joseph Emin, 1726-1809, written by himself, Second Edition. Calcutta, 1918
2. Sebouh D. Aslanian. “A Reader Responds to Joseph Emin’s Life and Adventures: Notes toward a ‘History of Reading’ in Late Eighteenth Century Madras”, Handes Amsorya Zeitschrift für armenische Philologie, 1-12, 2012
3. This Week in Armenian History. “Death of Joseph Emin – August 2, 1809”, August 2, 2012
4. Wikipedia: “Joseph Emin”
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Titre de l'image
Hovsep Emïn (1726-1809)
Source et attribution
[Domaine public], via Wikimedia Commons
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