Fait N° 73

Le journaliste arméno-turc Hrant Dink a été assassiné le 19 janvier 2007.

La décennie qui suivit immédiatement le génocide arménien fut une période où il s’agissait de s’adapter au traumatisme et d’essayer de rebondir au sein de nouveaux environnements pour la diaspora arménienne, s’adapter au traumatisme et faire avec dans le climat de l’URSS pour les Arméniens d’Arménie et ailleurs en Union Soviétique.

Mais qu’en est-il des Arméniens de Turquie ? Survivants dans l’intérieur du pays, beaucoup, tout en étant très conscients de leurs origines – et peut-être à cause de cela – ont adopté des identités musulmanes, turques ou kurdes. Or une communauté arménienne subsistait aussi à Constantinople, rebaptisée plus tard officiellement Istanbul. Au fil des ans, à mesure que la nouvelle république de Turquie se consolidait, les Arméniens d’Istanbul entreprirent d’envoyer des missionnaires dans les villages et les villes d’Anatolie et d’Asie Mineure, pour y retrouver les Arméniens et les ramener à Istanbul, en vue d’y recevoir une éducation arménienne, religieuse ou laïque. De fait, les Arméniens d’Istanbul aujourd’hui, dans leur majorité, ne sont pas les descendants des anciennes familles arméniennes de Constantinople (Bolsahay), mais les enfants et les petits-enfants d’Arméniens venus d’ailleurs en Turquie.

L’histoire de Hrant Dink illustre cette évolution. Il naquit à Malatya, au sud de la Turquie, en 1954. Sa famille s’installa à Istanbul en 1960, où Dink effectua sa scolarité dans plusieurs institutions arméniennes. Il suivit des études supérieures en zoologie à l’Université d’Istanbul, où il s’impliqua dans le militantisme social et politique. C’était une époque de grands affrontements idéologiques en Turquie et même de violence politique, qui vit les débuts du mouvement armé kurde. Dink eut plus d’une fois des ennuis, du fait de ses opinions et de ses origines arméniennes. Mais il continua de vivre et de travailler à Istanbul, dirigeant une chaîne de librairies.

Le tournant se produisit en 1996 avec la création d’Agos, le premier périodique arménien bilingue en Turquie. Naturellement, il existait depuis longtemps des journaux arméniens à Istanbul, mais un journal qui était à la fois en turc et en arménien permettait aux Arméniens de se faire davantage entendre dans une société turque élargie. Ce journal fut aussi le véhicule grâce auquel la diaspora arménienne et l’Arménie nouvellement indépendante entrèrent en contact avec la communauté arméno-turque, qui avait été largement laissée de côté. Hrant Dink fut l’éditeur fondateur d’Agos et resta à ce poste jusqu’à son assassinat, le 19 janvier 2007.

Le meurtre de Dink fit l’effet d’un raz-de-marée dans la vie publique en Turquie. Il fut abattu en pleine jour devant le siège d’Agos par un nationaliste âgé de 17 ans. L’histoire fit la une de la presse dans le monde entier et suscita une vague d’indignation dans tout le pays, l’opinion doutant que l’assassin ait agi seul. Dink avait sûrement froissé nombre de susceptibilités par son franc-parler et avait reçu des menaces de mort; or non seulement ces menaces furent ignorées par les autorités, mais l’assassin fut rapidement identifié comme agissant à l’instigation d’officiers de police – un scandale qui alimenta les thèses d’un complot. L’enquête et le procès sont en cours, et continuent de susciter la polémique, bien que l’assassin ait été finalement condamné à 22 ans de prison.

Le meurtre de Hrant Dink créa une onde de choc parmi la communauté arménienne d’Istanbul, les Arméniens en Arménie et la diaspora, ainsi que dans la société civile dans son ensemble en Turquie. Des défilés et des commémorations, avec la participation de centaines de milliers de personnes – dont des Arméniens, des Turcs, des Kurdes et d’autres – sont organisés lors de chaque commémoration de cet assassinat. Agos continue d’être publié et de jouer le rôle qui lui a été dévolu par son éditeur fondateur, tandis que la Fondation Hrant Dink porte son héritage et œuvre pour une démocratisation et un respect envers les minorités et les droits de l’homme en Turquie, ainsi que pour le développement des relations entre la Turquie et l’Arménie.

Traduction : © Georges Festa


Références et autres ressources

1. Hrant Dink Foundation
2. Agos (in Turkish, Armenian, English)
3. “Istanbul Police Officers Arrested in Dink Murder Case”, The Armenian Weekly, January 13, 2015
4. “Anniversary of Dink’s Assassination to Be Marked at EU Parliament”, Asbarez, December 29, 2014
5. “Ex-police chief charged with negligence in Dink murder released pending trial”, Today’s Zaman, December 25, 2014
6. « Key suspect in Hrant Dink murder trial Erhan Tuncel released”, Hürriyet Daily News, March 7, 2014
7. “Murdered journalist Hrant Dink remembered in Istanbul march”, euronews, January 19, 2014
8. Wikipedia: “Hrant Dink


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Titre de l'image

Les funérails de Hrant Dink en 2007, avec plus de 100 000 manifestants, portant des pancartes en arménien, turc et kurde, sur lesquelles on pouvait lire “Nous sommes tous Hrant” et “Nous somems tous Arméniens”.


Source et attribution

By Taken by Kerem Özcan (6 photos), stitched by Diliff (Uploaded by authors) [see page for license], via Wikimedia Commons


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