Fait N° 79

Les khatchkars les plus élaborés ont été réalisés au 13ème siècle.

L’Arménie n’est en aucune manière une île. Bien au contraire, le pays occupe un carrefour international de l’est à l’ouest et du nord au sud, depuis plusieurs milliers d’années. En sorte que, outre le fait d’avoir subi guerres et conflits en tous genres, le peuple arménien a aussi interagi avec de nombreuses cultures, fortement influencé tout en en influençant d’autres. Conséquence naturelle, nombre d’éléments de sa culture se reflètent à travers les peuples de la région, pour ce qui est des similitudes dans les formes de musique, de danse, d’art culinaire ou de vêtements traditionnels.

Certains aspects culturels constituent toutefois des expressions véritablement uniques. Le khatchkar, par exemple, est une forme d’art authentiquement arménienne. Composé des mots arméniens signifiant « croix » et « pierre » – et souvent rendu en anglais par « cross-stone » [pierre-croix] – les khatchkars fusionnent deux piliers de l’identité arménienne : l’héritage chrétien, ciselé dans les pierres répandues dans les hauts plateaux, ou parfois directement sur ces mêmes montagnes.

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Outre ces khatchkars, une partie du monastère de Geghard est sculpté à flanc d’une montagne en Arménie.
By Vahag851 (Own work) [CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons

Remontant au 9ème siècle après J.-C., le khatchkar en tant que forme d’art connut sa période la plus achevée vers le 13ème siècle, devenant moins populaire à la fin du 18ème siècle. Le 20ème siècle amena son retour et une montée en puissance relativement marquée, en particulier suite à l’indépendance de l’Arménie. L’UNESCO, pour sa part, a intégré les khatchkars dans sa liste représentative du Patrimoine culturel immatériel de l’humanité en 2010.

Parmi de nombreux motifs, l’élément « Arbre de vie » est particulièrement répandu dans les khatchkars contemporains – entrelacs sculptés, dont ni le début, ni la fin ne sont identifiables, et qui ne sont pas sans rappeler les motifs de l’art celtique. Les « Croix ailées » ne sont pas rares, non plus, se composant d’une croix arménienne aux extrémités acérées dominant deux ailes qui se déploient telles des flammes à partir d’une forme circulaire (rosace) et sur les côtés. Outre ces motifs géométriques, les khatchkars représentent aussi des symboles comme des raisins ou des grenades, des plantes et des animaux, et parfois aussi, en de rares occasions, des gens.

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Détails d’un khatchkar du 16ème siècle, probablement une stèle; l’admirable rosace surplombe le texte qui précise que la croix sainte commémore un pèlerin, que l’on peut voir richement vêtu à cheval.
By XenonX88 (Own work) [CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons

Les khatchkars servent aussi d’objets décoratifs. Leurs sous-entendus religieux conviennent à merveille aux églises arméniennes à travers le monde. Les monuments et les mémoriaux ont souvent la forme des khatchkars, qu’il s’agisse d’un monument sur le génocide arménien ou de tout autre hommage solennel. Les pierres tombales les plus élaborées reprennent résolument la tradition des khatchkars en Arménie et à l’étranger. On peut trouver un bon exemple de cimetière de khatchkars sur le site de Noratous en Arménie de nos jours, près du lac Sevan. Il présente des centaines d’années d’usage continu, avec des styles variés de commémoration funéraire au fil des siècles.

Un site de khatchkars, encore plus célèbre, se trouvait à Djoulfa (Djougha), dans l’exclave actuelle azerbaïdjanaise du Nakhitchevan, près du fleuve Arax. La construction d’un chemin de fer élimina une partie des khatchkars de Djougha à l’époque de l’empire russe, et si la zone resta en sommeil à l’époque soviétique, le processus de leur destruction débuta dans les années 1990, culminant par un tollé international en décembre 2005, lorsqu’il devint évident que les autorités azerbaïdjanaises avaient entrepris activement de détruire le patrimoine culturel arménien local dans son intégralité. Les ouvrages inestimables qui s’élevaient depuis le 13ème siècle – plus de deux mille à cet endroit, formant le plus vaste cimetière arménien au monde – furent finalement passés au bulldozer, malgré les réactions du Parlement Européen, entre autres.

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Un superbe khatchkar, provenant de la république d’Arménie, exposé au siège des Nations Unies à New York.
[CC BY 2.5], via Wikimedia Commons

Traduction : © Georges Festa


Références et autres ressources

1. Hamlet Petrosyan. “The Khachkar or Cross-Stone” in Armenian Folk Arts, Culture, and Identity (edited by Levon Abrahamian, Nancy Sweezy, Sam Sweezy). Indiana University Press, 2001, pp. 60-70
2. “Azerbaijan: Famous Medieval Cemetery Vanishes”, Institute for War & Peace Reporting, April 27, 2006
3. UNESCO. “Armenian cross-stones art. Symbolism and craftsmanship of Khachkars
4. “Hidden Yerevan: Khachkar Master”, CivilNet, August 7, 2012
5. Khachkar.am
6. Wikipedia: “Khachkar
7. Wikipedia: “Armenian cemetery in Julfa


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Titre de l'image

Le cimetière de Noratous, près du lac Sevan en Arménie et dont les ouvrages les plus anciens remontent à près de mille ans.


Source et attribution

By Arantz (Own work) [CC-BY-SA-3.0], via Wikimedia Commons


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