Fait N° 93
Les Arméniens de Marash possèdent leur propre style de broderie.
Comment employer les heures du froid hiver arménien ? En fait, travailler avec une aiguille et du fil est assurément l’option qui fut adoptée comme tradition par les femmes de ces hauts plateaux. Contrairement à l’Europe, où la broderie relevait davantage de la noblesse, le travail de la dentelle fut couramment pratiqué dans toutes les couches de la société arménienne à travers les siècles – et probablement pas uniquement durant l’hiver.
Le style du point d’aiguille qui s’est développé à Marash (en Cilicie, au sud-est de la Turquie actuelle) constitue une tradition aisément reconnaissable, même si elle est loin d’être la seule variante régionale d’un art ou d’un artisanat arménien. Le « point de Marash » comprend plusieurs modèles distincts – avec des appellations allant du profane (« coupe ») au plus mystique (« fleur des sept montagnes ») – faisant fréquemment écho à des motifs d’architecture comme les gravures ou les croix entrelacées que l’on retrouve ailleurs dans l’univers arménien. Ils se composent souvent de points bleus ou rouges sur fonds sombres, enfilés comme autant de perles ou utilisant du fil d’or ou d’argent pour des objets d’une importance particulière.
Outre leur usage décoratif domestique, ou leur inclusion dans un trousseau, les ouvrages de broderie étaient des articles d’exportation. En fait, le tissage de vêtements et les activités artisanales qui lui sont associées représentaient une activité économique à grande échelle dans la région de Marash. Les hommes s’employaient à nettoyer, à battre et à sécher le coton écru, tandis que les femmes tissaient des fils d’épaisseur variée. La teinture (à l’aide de plantes locales, ainsi que de minéraux et de produits animaux; les produits chimiques arriveront plus tard) et le traitement ultérieur du fil constituaient aussi un domaine dans lequel hommes et femmes prenaient part. La broderie exigeait, bien évidemment, le fil le plus fin.
La broderie à usage religieux – comme les décorations pour les objets du culte ou les vêtements sacerdotaux – n’était pas, comme on s’en doute, une des moindres parties de cette expression culturelle arménienne. L’on rencontre des modèles plus élaborés, ajoutant de la richesse aux étoffes couvrant l’autel ou le calice, ainsi que les divers articles que les prêtres portent durant l’office, que ce soit des couronnes, des chaussures ou des robes. Il pouvait s’agir de croix dans le style des khatchkars arméniens, mais aussi de motifs floraux ou autres dessins géométriques. Cette tradition reste vivace dans l’Eglise arménienne contemporaine.
A la maison, des ouvrages en dentelle décorant le foyer en Arménie et dans la diaspora affirment le patrimoine familial, en particulier s’ils sont dans un style plus ancien, traditionnel, tel que celui de la région ou de la localité ancestrale. Ces traditions sont encore transmises dans certaines familles, souvent de mère à fille ou de grand-mère à petite-fille, tout en étant parfois enseignées dans des écoles ou des associations communautaires.
Que ce soit en termes de décoration, comme dans la broderie, ou d’activité économique centrale, allant de la cordonnerie à la menuiserie, de la bijouterie à la sellerie – la déportation des maîtres-artisans et des travailleurs manuels arméniens porta un rude coup à l’économie au crépuscule de l’empire ottoman. Leur héritage perdure dans des lieux comme Marash (officiellement appelé Kahramanmaraş dans la Turquie actuelle), où le poids des Arméniens dans le monde du travail et du commerce local survit dans la mémoire collective.
Traduction : © Georges Festa
Références et autres ressources
1. Alice Odian Kasparian. Armenian Needlelace and Embroidery: A Preservation of Some of History’s Oldest and Finest Needlework. EPM Publications, 1983
2. Varty Keshishian. “Sandjak of Marash – Trades”, Houshamadyan, September 22, 2011
3. “Arts of Armenia [Textiles]”, Armenian Studies Program, California State University, Fresno
from Dickran Kouymjian. The Arts of Armenia, Calouste Gulbenkian Foundation, 1992
4. Armenian Embroidery
5. John Hopper. “Armenian Embroidery”, The Textile Blog, September 21, 2009
6. Catherine Amoroso Leslie. Needlework Through History: An Encyclopedia, Greenwood, 2007, pp. 71-74
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Titre de l'image
Exemple d’ouvrage en dentelle, datant du 18ème siècle; pour des exemples et plus d’informations sur la broderie de Marash, consulter armenianembroidery.tripod.com
Source et attribution
Honolulu Academy of Arts [Public domain], via Wikimedia Commons
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